Et si on roulait à l'huile de friture ? C'est possible. A Marseille, Christophe Oudelin a transformé sa 405 diesel en modifiant les injecteurs, en ajoutant une pompe de prégavage et un réchauffeur, et roule pou-poule : il turbine à l'huile de tournesol récupérée dans les restaus et les snacks, puis filtrée par ses soins. Son pote Thierry Rougier, 32 ans, informaticien, fait marcher son Espace moitié au gazole, moitié à l'huile de friture, sans modification. «J'ai déjà fait 10 000 km sans problème», assure-t-il.
L'avantage : on recycle les huiles usagées «qui d'habitude finissent dans le caniveau», et, même si ça sent la frite, ça pollue «six fois moins», assure Rougier. Inspirés par l'association de Lozère Roule ma fleur, qui édite un manuel explicatif (Rouler à l'huile de tournesol, pourquoi et comment mettre des fleurs dans son moteur), les gaillards ont créé une association, Roule ma frite, pour promouvoir le concept d'huile végétale brute (HVB : tournesol, colza ou lin). Dix véhicules seraient concernés à Marseille. Ailleurs, dans certaines zones agricoles, «des personnes qui cultivent le tournesol roulent à l'huile depuis quinze, vingt ans sans problème», affirme Rougier.
Mais attention : à Agen, la société Valenergol, qui pressait et commercialisait des huiles végétales pour servir de carburant, a été condamnée en 2001, après plainte des douanes, à payer la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers), dont sont pourtant exonérés certains biocarburants. Et, au pays de Galles, en 2002, face à l'épidémie de «moteurs huilés», la police locale avait mis en place une équipe spéciale, dite frying squad (brigade des fritures) pour repérer les véhicules à l'odeur et coller des amendes salées (900 euros) à leur propriétaire. L'huile était tout simplement achetée à la moitié du prix du gazole dans le supermarché local qui, étonné par le boom de ses ventes d'huile végétale, avait fini par rationner l'improbable carburant...
Ça n'empêche pas des labos américains de rêver à faire voler des avions à l'huile de soja, pendant que d'autres misent sur l'huile de noix de jujube. Bien réglé, un diesel peut en effet brûler bien des carburants.