CONNEXION À INTERNET En France voisine, la norme ADSL2+ permet de surfer cinq fois plus vite et moins cher que chez nous. Explications
Il fut un temps où la Suisse était pionnière en matière d'Internet à haut débit, avec des connexions par le câble du téléréseau. A cette époque, on ricanait volontiers du Minitel de nos amis gaulois. Dix ans plus tard, des spots TV sur les chaînes françaises nous abreuvent d'offres pour Internet à très haut débit, vantant des vitesses de transfert qui atteignent désormais 15 Mbits/s avec la norme ADSL2a. A faire pâlir d'envie les internautes suisses: c'est cinq fois plus rapide que la meilleure offre actuelle sur notre territoire, et à moitié prix!
Pourtant, Swisscom, par la voix de son porte-parole Christian Neuhaus, se pose la question: «A quoi peut bien servir ce flot de mégas aujourd'hui, et pour quel contenu?» Le consommateur est néanmoins en droit de s'interroger sur une telle disparité des coûts et services avec nos pays voisins et de se demander si nous n'allons pas rater le prochain train du Net.
Nouveaux besoins à l'horizon
D'ici peu, d'énormes flux multimédias seront déversés dans nos foyers: télé à haute définition (TVHD), vidéo à la demande (streaming), téléchargement ultrarapide de musique et de logiciels, jeux en réseau, vidéophone, vidéosurveillance. Et tout cela simultanément, sur plusieurs terminaux répartis dans la maison (ordinateur, TV, console de jeux, et même un jour le frigo). Actuellement, si la bande passante proposée par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) est satisfaisante pour acheminer la plupart de ces médias, cela n'est pas vrai pour la réception de la future TVHD, ni pour une utilisation intensive des services existants, mais partagés derrière une même connexion.
L'ADSL2a ne sera pas implanté en Suisse, «en raison de la nature du réseau, qui est incompatible avec cette technologie», explique Christian Neuhaus. Chez Swisscom on étudie, en revanche, la norme VDSL, qui essuie actuellement les plâtres en Belgique. Avec un taux de transfert théorique de 55 Mbits/s, elle est deux fois plus véloce que l'ADSL2a, qui plafonne à 25 Mbits/s. Mais au détriment d'un rayon de couverture limité, l'utilisateur devant habiter impérativement à moins de 800 mètres d'un équipement d'accès, une sorte d'armoire qui répartit le signal. Dommage, surtout lorsqu'on sait que l'ADSL2a adopté en France a une portée de quelque 8 kilomètres.
Marché biaisé
Ce facteur pourrait creuser davantage encore la fracture numérique entre la ville et la campagne, également délaissée par le câble. Le haut débit a donc peu de chances d'atteindre les zones les plus reculées. Au niveau des coûts du VDSL et de sa disponibilité, il est trop tôt pour Swisscom pour en parler. Notamment parce que, selon le géant bleu, le prix sera fortement lié au dégroupage et à la problématique du dernier kilomètre.
La France, pays où le dernier kilomètre a été dérégulé en été 2003, a pu bénéficier de son avance sur le dégroupage. Les opérateurs alternatifs sont en mesure de proposer des offres sur le DSL beaucoup plus variées que dans notre pays. «En Suisse, toutes les offres sont calquées sur celles de Swisscom», explique Mathieu Janin, porte-parole de Sunrise. En pratique, il n'y a donc que l'emballage qui change, étant donné qu'un FAI ne peut proposer un produit différent de celui qu'il a lui-même acheté à Swisscom, le reléguant à un simple rôle de revendeur.
«Dans un marché réellement libéralisé, nous pourrions proposer une palette d'offres beaucoup plus étendue, avec, par exemple, des forfaits d'entrée de gamme, très bon marché, ce qui est tout bonnement impossible dans le contexte actuel», explique Mathieu Janin, avant de conclure amèrement: «C'est le contribuable qui a financé le dernier kilomètre au règne des Télécom PTT, et nous l'avons depuis longtemps payé. Seul Swisscom tire encore profit d'une telle situation.» Une situation qui ne devrait pas évoluer avant au moins deux ans. Autant dire un siècle à l'échelle de l'informatique.
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